samedi 3 octobre 2009

En pleine poire!

Voilà. Je voulais envoyer ce texte au concours littéraire, mais j'ai royalement «choké». Je vous l'envoie donc, en pleine poire! Inspirations: le thème (les mots à la bouche) et les soirées bondées. Enjoy...ou pas!
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C’était bondé comme à l’habitude. Quelques endurcis accotés au bar jasaient avec la nouvelle barmaid. Elle avait l’air de se demander ce qu’elle faisait là, à leur servir des bières pression, elle qui rêvait sans doute de déménager à Montréal poursuivre des études en marketing ou quelque chose du genre.

Des amis m’avaient traîné jusqu’ici. Je dis «traîné», car je n’avais aucune envie d’assister au spectacle de la soirée, aucune envie de hocher de la tête sur le rythme d’une musique que je ne connaissais pas, aucune envie de faire semblant d’aimer ça. Ils m’avaient ainsi traîné. Pourquoi? Je ne sais pas. Peut-être que pour un couple, vient parfois le temps de voir d’autres gens dans leur sortie du samedi soir, de retrouver l’impression de gang d’autrefois, d’avoir quelqu’un à qui parler pour meubler leur silence habituel. Ainsi donc, plus pathétique encore, un couple d’amis m’avaient traîné dans ce bar.

J’étais debout sur la piste de danse, le regard intensément plongé sur le haut-parleur. Le vide noir du haut-parleur, en fait. Je prenais de grandes gorgées de bière en fixant cette invitante image. Au moins, la soirée ne serait pas ratée. J’allais la terminer juste assez engourdi pour passer une belle nuit.

On en était maintenant au deuxième groupe de la soirée et j’en étais à ma troisième importée. Une fille passe à mes côtés pour aller rejoindre ses amies qui sont devant moi. Une fille magnifique qui fait rêver, mais qui vous donne envie de ne jamais dormir. La guitare entame un solo et je porte la bouteille vide à mes lèvres. Je pose la bouteille d’outre-mer sur une table derrière moi. Moment de malaise, de déséquilibre. Je déteste avoir les mains vides, debout dans un bar. Je ne sais jamais quoi faire avec. Les mains vides et les yeux pleins de la vue de cette fille.

Je nous projette dans un futur que je ne souhaite pas très lointain. On se promènerait en ville. J’aurais mis mon bras autour de ses épaules nonchalamment et elle aurait la tête légèrement inclinée. On arrêterait dans le bar du coin, celui où on passe pour des habitués. Les copains viendraient nous rejoindre et on boirait comme s’il n’y avait pas de lendemain. On terminerait la soirée à marcher jusque chez elle, main dans la main, en tombant quelques fois. On s’embrasserait dans l’escalier. On fumerait des cigarettes sur son balcon en attendant que le soleil se lève et on s’endormirait à moitié habillés, illusionnés que le monde nous appartient.

C'est la vision trop parfaite ou bien c'est l'engourdissement généralisé de mon cerveau, mais j'ai l'envie soudaine de lui parler. Je vais me chercher une autre importée, pour le courage et l’équilibre. Je porte la première gorgée à mes lèvres en pensant à ce que je pourrais lui dire. Je la regarde ne pas danser. Elle est magnifique, droite sur la piste de danse, l’air de se demander si elle aime la musique qu’elle entend. Deuxième gorgée qui me descend dans le gosier, je ne suis pas davantage inspiré. Comme si l’alcool pouvait m’ensevelir de mots, je bois ma bière avec la soif de trouver quelque chose à lui dire. Je la regarde et je bois. Je ne sais pas ce qui m’inspire, au final. C’est comme si la regarder m’empêche de réfléchir, comme si mon cerveau doit analyser quelque chose de tellement intense en l’observant qu’il ne peut pas m’aider à trouver une phrase intelligente à lui dire. La chanteuse présente maintenant ses musiciens. Ma bouteille est terminée. Le vide désertique, la sécheresse. Je n’ai toujours rien à lui dire.

Je sens que le spectacle achève. Elle se retourne, l’air de vouloir évaluer le nombre de personnes qui sont restées jusqu’à la fin. Nos regards se croisent brièvement. Aucun sourire ou étincelle. Un seul regard. Je ne peux plus attendre. Je navigue jusqu’au bar.

Je reviens, une bière dans chaque main, aucune réplique en poche. Il n’y aura que moi, devant elle. L’essentiel. J’arrive sur la piste. Elle n’y est plus. Ses amies non plus. Le batteur en est au solo et ça percute.

Je déteste être planté, debout dans un bar, les mains trop pleines.

1 commentaire:

Julie a dit…

Comment ça se fait que j'avais pas encore lu ça...? En tout cas, là c'est fait ! Bravo ! C'est mignon et presque pathétique. Pauvre petit... Pourquoi t'as chocké espèce ? ;o)